Société inclusive et accessibilité universelle : de la « handicapisation » à la situation capacitante
Résumé
Une société n’est inclusive aux yeux de Charles Gardou qu’à la condition de pouvoir « offrir, au sein de l’ensemble commun, un "chez soi " pour tous. Sans neutraliser les besoins, désirs ou destins singuliers et les résorber dans le tout. » (Gardou, 2012, p.37). Il ne s’agit pas d’intégrer des catégories de personnes différentes, socialement constituées sur la base d’une caractéristique perçue à la fois comme un écart à la norme et comme un handicap. Le but est bien plutôt de transformer l’organisation sociale (y compris le système scolaire) dans son ensemble de manière à lui donner une configuration inclusive qui lui permette de moduler son fonctionnement, de se rendre accessible à tous et d’offrir ainsi à chacun la possibilité d’endosser les rôles sociaux grâce auxquels se forge l’identité personnelle, à travers l’existence et l’affiliation sociales (Ebersold, 2013, p. 16-17). Un tel projet implique de mettre à distance les conceptions bio-médicales et défectologiques du handicap au profit d’une vision écologique et sociale. Concevoir le handicap sous cet angle, c’est s’intéresser aux mécanismes par lesquels la singularité individuelle peut faire l’objet d’une « handicapisation » (Noël et Ogay, 2017) qui a pour effet de la réduire au(x) trouble(s) ou aux difficultés qui ont pu être diagnostiqués. Dans cette perspective, la notion de situation capacitante, issue de l’approche environnementale de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF, OMS, 2001 ) et celle d’accessibilité universelle, développée dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ONU, 2006), signée par la France en 2007 puis ratifiée en 2010, constituent des leviers à la fois institutionnels et épistémologiques susceptibles de modifier en profondeur les représentations et les pratiques sociales qui sont à l’origine du « processus de production du handicap » (Fougeyrollas, 2010).